Conflit syrien : Le jeu trouble de la Turquie agace Pékin
Très discrète depuis le début de la crise puis du conflit syrien, la République populaire de Chine pourrait bien envisager une intervention militaire au même titre que la Russie, au vu de la politique ambiguë de la Turquie, notamment via la collaboration turco-ouïghours de plus en plus active en Syrie.
Les Ouïghours constituent une minorité turcophone principalement sunnite se situant dans les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale et notamment en Chine dans laquelle ils sont officiellement reconnus comme une minorité nationale. Sujets à de nombreuses répressions par Pékin, les ouïghours constituent une menace déstabilisatrice pour le pouvoir central du fait de leur volonté indépendantiste dans le Turkestan chinois. Cette répression mêlée au conflit syrien exacerbe les velléités djihadistes de ce groupe minoritaire formant une nouvelle menace terroriste au sein de l’Asie centrale. Le message djihadiste a toujours séduit ce groupe minoritaire sunnite qui se voit imposer les lois d’un pays plutôt que l’application rigoriste de la Charia.
Le jeu trouble de la Turquie, depuis le début de la guerre civile syrienne, révélé par de nombreux observateurs de terrain, consiste à aider militairement, logistiquement et médicalement des groupes minoritaires musulmans d’Asie centrale qui rejoignent la rébellion syrienne, qu’elle soit modérée ou islamiste, sous couvert de combattre l’EI, mais en réalité l’armée de Bachar Al-Assad. Dans sa dérive autoritaire, Erdogan semble vouloir reconstituer une influence néo-ottomane dans la région en utilisant ces groupes (les Tatars de Crimée, les Ouïghours, voire les Tchétchènes) turcophones, à court et moyen terme comme pare-feu d’une extension du confit syrien en Turquie. La porosité de la frontière turco-syrienne a permis à de nombreux djihadistes de faire des « allers-retours » entre les zones de combat et la Turquie laquelle semble constituer, avec eux, un substitut de son armée dans sa volonté d’intervenir au sol. En outre, cette immixtion en Syrie a permis à Ankara d’initier un grand mouvement de peuplement, au Nord-Ouest de la Syrie, de combattants d’Asie centrale, dont les Ouïghours.
L’observatoire du Moyen-Orient parle d’une véritable « ouïghourisation » de la région dans la province d’Idlib devenant même majoritaire dans certain village, tel que Zanbaq. Cette collaboration turco-ouïghours révèle également un véritable trafic de faux passeports de différents pays d’Asie permettant à quelques 50 000 Ouïghours d’investir la Syrie en passant par la Turquie sans être inquiétés. Ce véritable trafic au sein de l’Asie laisse planer des doutes quant aux auteurs de l’attentat qui a été commis en août dernier à Bangkok. En effet, les médias thaïlandais n’hésitent pas à évoquer la piste ouïghour, en se basant sur le fait que l’auteur, Yusufu Mieraili, voyageait en compagnie d’un passeport chinois avec comme lieu de naissance Xinjiang, vaste région occidentale de la Chine où vit cette communauté musulmane.
L’équation ouïghour en Syrie et les accointances des autorités turques avec ces groupes armés, laisse la Chine pantoise et gèle fortement les relations sino-turques. Cela pourrait même accélérer les intentions d’intervention de la Chine au même titre que la Russie, comme le laisse imaginer de plus en plus d’analystes. Un porte-avion chinois aurait, effectivement, été repéré, fin septembre, aux alentours de Tartous, comme l’affirme un militaire syrien haut placé, ce qu’a démenti Pékin. Au vu du très grand nombre de djihadistes présents dans la région, la Chine pourrait bien, par l’entremise de l’Organisation de Coopération de Shanghai, intervenir militairement afin de maintenir la sécurité et la stabilité de la région. Le double jeu turc dans le conflit syrien pourrait donc être la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour la République Populaire de Chine et transformerait indéniablement le conflit syrien en un conflit mondial au vu des acteurs impliqués.